Augmentation de capital par incorporation de réserves : étapes, fiscalité et intérêts pour l’entreprise

Augmentation de capital par incorporation de réserves : étapes, fiscalité et intérêts pour l’entreprise

Définition de l’augmentation de capital par incorporation de réserves

Dans le langage courant, on imagine souvent une augmentation de capital comme une opération nécessitant un nouvel apport d’argent par les associés ou actionnaires. Ce n’est pourtant pas toujours le cas. Certaines augmentations de capital n’impliquent aucun euro nouveau : c’est précisément le cas de l’augmentation de capital par incorporation de réserves.

Concrètement, cette opération consiste à transformer des sommes déjà inscrites dans les comptes de l’entreprise – les réserves, le report à nouveau ou encore les bénéfices non distribués – en capital social. Il ne s’agit donc pas d’un enrichissement immédiat de la société, mais d’un reclassement comptable avec des effets juridiques importants.

Elle est fréquente dans les sociétés bien établies, notamment pour renforcer leur image vis-à-vis des partenaires ou pour faciliter certaines opérations futures, comme une levée de fonds ou une cession d’entreprise.

Cadre légal de l’opération

Cette opération est encadrée par les dispositions du Code de commerce, notamment pour les sociétés par actions (articles L.225-129 à L.225-130) et les SARL (articles L.223-26 et suivants).

Elle nécessite impérativement une décision de l’assemblée générale extraordinaire des associés ou actionnaires, puisque l’augmentation de capital modifie les statuts. Le capital social, figurant dans ces derniers, devra être mis à jour.

Les comptes de l’entreprise doivent également faire apparaître des réserves distribuables ou un report à nouveau créditeur. C’est le préalable comptable indispensable.

Pourquoi les entreprises choisissent cette stratégie ?

L’incorporation de réserves peut répondre à divers objectifs, parfois combinés :

  • Renforcer les fonds propres : afficher un capital social plus élevé peut rassurer partenaires financiers, créanciers ou investisseurs potentiels.
  • Préparer l’avenir : une société souhaitant lever des fonds aura souvent intérêt à faire précéder cette étape d’une augmentation formelle de son capital, même sans apport externe.
  • Rééquilibrer la structure financière : transformer des bénéfices accumulés en capital permet d’assainir le passif et d’améliorer certains ratios financiers.
  • Rémunérer les associés… à leur manière : certains associés préfèrent voir les bénéfices renforçant leur participation sociale plutôt qu’être distribués sous forme de dividendes (qui sont fiscalement plus lourds dans certains cas).
  • Étapes de l’augmentation de capital par incorporation de réserves

    Voici le déroulement pas-à-pas, pour les praticiens comme pour les dirigeants d’entreprise souhaitant mieux comprendre le processus :

    • Étape 1 : Identification des réserves disponibles (réserves légales, facultatives, exceptionnelles, report à nouveau…)
    • Étape 2 : Décision de l’assemblée générale extraordinaire : elle vote l’augmentation et la modification corrélative des statuts (dans le respect des règles de quorum et de majorité).
    • Étape 3 : Mise à jour des statuts et formalités administratives : publication dans un journal d’annonces légales, dépôt au greffe, etc.
    • Étape 4 : Modification comptable : les réserves sont débitées et le compte « Capital social » est crédité du même montant.

    À noter : il n’y a pas de création de nouvelles actions ou parts nécessairement, sauf si l’augmentation vise à conférer un caractère proportionnel précis à chaque associé.

    Choix entre élévation de la valeur nominale ou émission gratuite de titres

    La société peut mettre en œuvre l’augmentation de capital suivant deux modalités possibles :

    • Élévation de la valeur nominale des parts ou actions existantes : chaque titre vaut alors davantage en capital. Le pourcentage de détention de chaque associé reste inchangé.
    • Émission de nouveaux titres gratuitement : de nouvelles actions ou parts sont créées, attribuées à chaque associé au prorata de sa participation actuelle. Leur valeur nominale reste la même.

    Le choix entre ces deux options dépend souvent de la stratégie sociale de l’entreprise et des besoins ponctuels (réorganisations, futurs mouvements de titres, etc.).

    Traitement fiscal de l’opération

    La fiscalité d’une incorporation de réserves dans le capital est, à première vue, plutôt neutre. En effet, aucun apport numéraire n’est réalisé, et aucune distribution de dividendes n’intervient.

    Cependant, certains points méritent attention :

    • Du point de vue des associés, aucun impôt n’est dû sur les titres ou parts supplémentaires reçus sans versement d’argent.
    • Les plus-values potentielles ne se déclenchent pas à cette étape : elles ne seront imposées qu’en cas de cession des titres.
    • Côté société, l’opération n’est pas soumise à la TVA, ni à des droits d’enregistrement spécifiques lorsqu’elle ne s’accompagne pas d’un changement de contrôle ou de modification substantielle des droits sociaux.

    Pour les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, l’incorporation ne modifie pas la base imposable. Les sommes restent dans les capitaux propres, sans incidence sur le résultat fiscal.

    En revanche, certaines opérations accessoires peuvent générer des coûts annexes (publication, greffe, honoraires), à anticiper avec précision.

    Exemple concret : la PME qui rassure ses créanciers

    Prenons le cas d’une PME familiale dans le secteur du BTP. L’entreprise dispose de 250 000 € de réserves, fruit d’excellents résultats sur les trois derniers exercices. Son capital social, quant à lui, se monte à 50 000 €.

    Le dirigeant prévoit de candidater à des appels d’offres publics exigeant que les soumissionnaires disposent d’un certain niveau de capital social. Plutôt que de faire appel aux associés pour un nouvel apport, il décide d’incorporer 150 000 € de réserves au capital existant. Sa société apparaît désormais avec un capital social de 200 000 € — sans avoir déboursé un seul euro supplémentaire.

    Les candidats au poste de chef de chantier ne voient peut-être pas la différence, mais les financeurs, eux, apprécient ce gage de stabilité.

    Avantages et limites de cette opération

    Comme toute opération juridique structurante, l’incorporation de réserves au capital social présente des avantages à pondérer avec les contraintes éventuelles :

    • Avantages :
      • Aucune sortie de trésorerie
      • Renforcement du capital sans dilution ni effort financier
      • Amélioration de certains ratios financiers (fonds propres / endettement)
      • Crédibilité accrue auprès de partenaires externes
    • Limites :
      • Montant plafonné aux réserves et bénéfices disponibles
      • Formalités légales à respecter (AG, statuts, publicité, greffe)
      • Pas d’entrée de financement frais (contrairement à une augmentation de capital par apport)
      • Parfois mal comprise des associés nouveaux ou minoritaires

    À qui s’adresse cette opération ?

    Elle peut être envisagée dans les cas suivants :

    • Sociétés matures ayant accumulé des réserves importantes et un excédent de bénéfices reportés
    • Entreprises en phase de transmission ou de restructuration patrimoniale interne
    • Sociétés préparant une entrée en Bourse ou une levée de fonds
    • Entreprises souhaitant valoriser la confiance de leurs partenaires financiers sans diminuer leur trésorerie

    Elle est également utile dans une logique de gel de la valeur d’une partie du capital pour des raisons de stratégie successorale ou de protection des associés majoritaires.

    Check-list pratique

    Avant d’engager une opération d’incorporation de réserves à votre capital social, voici 5 vérifications à effectuer :

    • ✅ Vos derniers comptes approuvés font-ils apparaître des réserves libres ou un report à nouveau créditeur ?
    • ✅ Votre expert-comptable a-t-il confirmé la faisabilité comptable de l’opération ?
    • ✅ L’assemblée pourra-t-elle être réunie dans des conditions régulières (quorum, majorité) ?
    • ✅ Avez-vous anticipé les frais annexes (publication, greffe, rédaction d’actes) ?
    • ✅ Le choix entre élévation de la valeur nominale ou distribution de titres gratuits a-t-il été bien discuté ?

    Bien menée, cette opération présente une réelle valeur ajoutée stratégique pour l’entreprise, sans peser sur ses flux de trésorerie. Elle gagne donc à être intégrée dans toute réflexion patrimoniale ou financière structurée, en lien étroit avec votre expert-comptable et votre conseil juridique.